Il est désormais bien connu que le régime dit méditerranéen est bon pour la santé. Mais les scientifiques se demandent depuis longtemps : quels sont exactement les composants qui assurent cet effet bénéfique ? Est-ce que cela pourrait être les huiles essentielles, comme le carvacrol dans le thym, présentes dans les herbes, qui ont un effet anti-inflammatoire ? Manger moins de viande et plus de poisson pourrait-il aider à maintenir le corps en bonne condition ? Serait-ce les effets vasodilatateurs de l’alcool contenu dans le vin consommé pendant les repas ? Ou peut-être la tranquillité que procure le fait de prendre le temps de savourer un repas en bonne compagnie ? Ou tout simplement une combinaison de tous ces éléments ?
Dernièrement, les scientifiques se sont de plus en plus concentrés sur des substances appelées polyphénols, présentes dans l’huile d’olive. Un candidat important est un antioxydant nommé oléocanthal. Cette substance semble être responsable de la sensation légèrement piquante et poivrée que l’on ressent dans la gorge lorsqu’on consomme une très bonne huile d’olive.
Il s’avère que l’oléocanthal est non seulement un antioxydant, mais possède également des propriétés anti-inflammatoires. Son effet rappelle aux scientifiques celui de l’ibuprofène. L’effet de l’ibuprofène repose sur l’inhibition d’enzymes appelées cyclo-oxygénases (COX). Ces enzymes sont importantes pour la production d’une substance nommée prostaglandine. La prostaglandine est produite par le système immunitaire aux endroits où le corps a subi une blessure ou une inflammation. L’oléocanthal semble également avoir un effet inhibiteur sur ces enzymes cyclo-oxygénases.
L’huile d’olive contient tellement d’oléocanthal que consommer seulement 50 grammes de bonne huile d’olive par jour équivaut à un dixième d’un comprimé d’ibuprofène pour adulte [1]. Cette quantité correspond à environ 3,5 cuillères à soupe. Et oui, l’ibuprofène active exactement le même récepteur dans le fond de la gorge que la bonne huile d’olive extra vierge : le récepteur hTRPA1 [2].
On pense couramment que si vous êtes constamment carencé, même légèrement, en une certaine vitamine, cela peut entraîner des problèmes subcliniques, avec des symptômes trop vagues pour être correctement diagnostiqués par un médecin. Inversement, une dose subclinique d’un anti-inflammatoire comme l’oléocanthal peut également aider votre corps à mieux combattre les infections. Il n’est donc pas étonnant que l’on pense aujourd’hui que la consommation régulière de petites quantités de bonne huile d’olive extra vierge sur une longue période pourrait être responsable des faibles taux de maladies cardiaques et d’Alzheimer dans la région méditerranéenne [3].
Même votre foie peut bénéficier des effets positifs de l’oléocanthal. Lorsque le foie est blessé de manière répétée (ou continue), les cellules hépatiques tentent de réparer les dégâts, mais ces tentatives finissent par provoquer des tissus cicatriciels, appelés fibrose hépatique. Des recherches récentes montrent que l’oléocanthal peut prévenir cette fibrose et permettre au foie de guérir naturellement [4].
Des recherches récentes ont même montré que l’oléocanthal est capable de tuer des cellules cancéreuses en moins de trente minutes, tout en épargnant les cellules saines. Les chercheurs ont qualifié les résultats d’étonnants (« Étonnamment, l’oléocanthal a induit la mort cellulaire dans toutes les cellules cancéreuses étudiées »), et ce n’est pas une chose qu’ils disent souvent [5]. Certes, cet effet positif n’a pour l’instant été prouvé que sur des lignées cellulaires en laboratoire, mais c’est un début.
Un conseil : pour vérifier si votre huile d’olive extra vierge est de très bonne qualité, vous pouvez en avaler une cuillère à café. Le degré de « piquant » ressenti dans le fond de la gorge est un indicateur de la qualité de cette huile.
[1] Beauchamp et al : Phytochimie : une activité semblable à celle de l’ibuprofène dans l’huile d’olive extra vierge, Nature – 2005
[2] Peyrot des Gachons et al : La sensation de piquant inhabituelle de l’huile d’olive extra vierge est due à l’expression spatiale restreinte du récepteur de l’oléocanthal, Journal of Neuroscience – 2011
[3] Abuznait et al : L’oléocanthal dérivé de l’huile d’olive améliore l’élimination de la bêta-amyloïde comme mécanisme neuroprotecteur potentiel contre la maladie d’Alzheimer : études in vitro et in vivo, ACS Chemical Neuroscience – 2013
[4] Gabbia et al : Le polyphénol oléocanthal de l’huile d’olive extra vierge exerce des effets antifibrotiques sur le foie, Frontiers in Nutrition – 2021
[5] LeGendre et al : L’oléocanthal induit rapidement et sélectivement la mort des cellules cancéreuses via la perméabilisation de la membrane lysosomale (LMP), Molecular & Cellular Oncology – 2015